La généalogie est bien plus qu’un loisir : elle participe à la transmission de la mémoire familiale et collective. Pourtant, la collecte, le traitement et la diffusion d’informations personnelles, même anciennes, ne sont pas sans conséquences juridiques.
Cet article vous éclaire sur les droits et devoirs du généalogiste amateur à l’aune du droit français et européen, dans un cadre éthique et responsable.
1. Les droits du généalogiste amateur : ce qui est autorisé en France
1.1 Rechercher et consulter les archives publiques dans le respect des délais de communicabilité
L’accès aux archives est un droit garanti par le Code du patrimoine – articles L.213-1 à L.213-8. Les délais de communicabilité ont été fixés par la loi du 15 juillet 2008 :
- 75 ans pour les actes de naissance et de mariage, consultable et communicable,
- 25 ans pour les actes de décès,
- 100 ans en cas de présence de données médicales ou judiciaires sensibles.
La CNIL recommande une vigilance particulière quant à la publication d’indexations complètes ou nominatives avant 120 ans.
1.2 Utiliser des bases de données généalogiques sous conditions contractuelles ou légales
Certaines plateformes de généalogie en ligne encadrent l’usage des données via des conditions générales d’utilisation spécifiques. Elles sont soumises aux règles du RGPD – chapitre 4 (définition des données personnelles). La réutilisation de contenus est possible selon qu’il s’agit :
- de données publiques (souvent en open data),
- ou de contenus protégés par des droits d’auteur ou des licences spécifiques.
1.3 Publier son arbre généalogique en ligne : les conditions à respecter
Le traitement de données personnelles concernant des personnes vivantes implique l’application du RGPD – article 6 (licéité du traitement). Trois options légales s’offrent à vous :
- Obtenir le consentement explicite de la personne concernée ;
- Justifier d’un intérêt légitime (par exemple la transmission familiale) ;
- Veiller à l’anonymisation ou à la pseudonymisation des données sensibles.
2. Les interdictions et restrictions : ce que vous ne pouvez pas faire sans précaution
2.1 Mentionner une personne vivante sans son consentement explicite
Le Code civil – article 9 impose le respect du droit à la vie privée. Publier des données sur une personne vivante sans base légale constitue une atteinte potentielle à ses droits fondamentaux. Le RGPD oblige à justifier tout traitement par une des six bases légales admises.
2.2 Diffuser des photos de famille sans autorisation : attention au droit à l’image
Le droit à l’image n’est pas inscrit dans un article spécifique du Code civil, mais il est protégé par la jurisprudence sur la base de l’article 9.
Il interdit de publier une image identifiant une personne sans son accord préalable.
Cette règle vaut aussi pour les enfants, avec l’obligation d’obtenir l’autorisation des deux parents titulaires de l’autorité parentale.
2.3 Réutiliser des contenus trouvés sur Internet sans vérifier leur statut juridique
Même anciens, certains contenus (actes numérisés, blasons, portraits) sont soumis au droit d’auteur. La propriété intellectuelle – Code de la propriété intellectuelle, articles L.111-1 à L.122-5 encadre leur usage. Citer les sources est impératif ; reproduire sans autorisation peut constituer une contrefaçon.
2.4 Exercer un droit à l’oubli en généalogie : entre protection et mémoire familiale
Le droit à l’oubli, consacré par l’article 17 du RGPD, permet à toute personne de demander l’effacement de ses données personnelles lorsqu’elles ne sont plus nécessaires, qu’elles ont été publiées sans consentement, ou qu’elles causent un préjudice.
Dans le cadre de la généalogie, cela se traduit par plusieurs cas concrets :
- Une personne vivante peut exiger le retrait de son nom ou de ses données personnelles d’un arbre en ligne ou d’un document partagé publiquement ;
- Elle peut également demander à une plateforme ou un site web le déréférencement de certaines pages la concernant ;
- En cas de refus, elle peut saisir la CNIL ou, en dernier recours, un tribunal compétent.
Il est important de noter que ce droit ne s’applique pas de façon absolue : le traitement peut être maintenu s’il repose sur une obligation légale, un intérêt légitime ou la nécessité d’exercer un droit à la liberté d’expression ou de recherche.
Pour le généalogiste amateur, cela signifie qu’il doit être prêt à supprimer ou modifier des contenus si une personne concernée en fait la demande justifiée.
Anticiper ces situations permet d’éviter des conflits et de respecter la mémoire familiale dans un cadre juridique clair. Même anciens, certains contenus (actes numérisés, blasons, portraits) sont soumis au droit d’auteur.
La propriété intellectuelle encadre leur usage. Citer les sources est impératif ; reproduire sans autorisation peut constituer une contrefaçon.
3. Panorama comparatif : droits du généalogiste amateur dans cinq pays européens
Pays | Accès aux archives | Généalogie numérique | RGPD spécifique | RGPD spécifique |
France | Très ouvert (75 ans) | Encadré par le RGPD | Oui (CNIL) | Très protégé |
Allemagne | Restrictif | Pratique très encadrée | Oui | Protection renforcée |
Belgique | Modéré | Autorisé sous conditions | Oui | Moyennement encadré |
Espagne | Ouvert | Pratique tolérée largement | Oui | Application souple |
Suède | Très libre | Autorisée sans restriction | Oui | Encadrement présent mais permissif |
4. Synthèse des droits et devoirs du généalogiste amateur en France
✅ Actions autorisées | ⚠️ Actions avec précautions | ❌ Actions interdites sans cadre |
Consulter les archives dans le respect des délais | Publier des données sur personnes vivantes | Diffuser une photo sans autorisation |
Citer précisément la source d’un document | Indexer des tables décennales récentes | Réutiliser un contenu sans vérifier sa licence |
5. Synthèse opérationnelle : les bons réflexes à adopter pour une généalogie respectueuse du droit
Pour accompagner les généalogistes amateurs dans une pratique sereine et conforme, cette synthèse reprend les principales recommandations évoquées dans l’article. Elle est également disponible sous forme de fiche pratique téléchargeable au format PDF.
✅ Ce que vous pouvez faire sans risque
- Consulter des archives publiques dans le respect des délais légaux ;
- Citer vos sources (archives, documents, références juridiques) ;
- Publier des données personnelles uniquement avec le consentement explicite de la personne concernée (si elle est vivante).
⚠️ Ce qui nécessite vigilance et encadrement
- Indexer ou publier des données nominatives concernant des personnes nées il y a moins de 120 ans ;
- Diffuser un arbre généalogique contenant des individus vivants sans preuve de consentement ;
- Réutiliser des documents ou images trouvés sur Internet sans s’assurer de leur statut juridique.
❌ Ce que vous devez éviter
- Publier une photo de famille identifiant des personnes vivantes sans leur accord ;
- Révéler publiquement des liens de filiation sensibles ou non assumés (adultérins, adoption non déclarée, etc.) ;
- Utiliser à des fins publiques des données confidentielles ou à caractère médical issues d’archives non encore communicables.
En résumé, Transmettre la mémoire en respectant les droits fondamentaux
Faire de la généalogie, c’est reconstruire un récit familial et patrimonial. Mais c’est aussi adopter une posture respectueuse des vivants et du cadre légal. La Fédération Française de Généalogie accompagne cette démarche, en promouvant une pratique responsable, éthique et juridiquement fondée.